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Chroniques
concert 8 – Maintz, Mundry, Platz et Thomalla
Ensemble Alternance
« Élaborer, intégrer, exploiter le choc de rotations culturelles et instrumentales neuves, dans un vaste embrassement des musiques de notre temps, les confrontant à celles de jadis et de naguère », tel est l’objectif que s’est fixé l’Ensemble Alternance lors de sa création en 1983, sous l’impulsion du flûtiste Jean-Luc Menet [lire notre chronique du 27 mars 2008]. C’est ainsi qu’outre créer des œuvres signées Cendo, Hersant, Lanza, Mantovani ou Pesson, la formation interprète Boulez, Cage, Crumb, Ligeti et Scelsi. Enfin, elle se charge aussi de former la nouvelle génération puisque se jouent, après l’entracte, Naht (2001) de Maintz et Toccatina (1988) de Lachenmann, confiés à leurs élèves d’Alternance Académie Ensemble. Mais écoutons d’abord les quatre pièces allemandes de début de soirée, dont les trois premières en création française.
Ancienne élève de Franck Michael Beyer et Gösta Neuwirth, curieuse de musique électronique, d’histoire de l’art et de philosophie, la Berlinoise Isabel Mundry (née en 1963) [photo] fit créer la première version de Liaison à Dresde en 2008, ville où elle était en résidence à ce moment-là. Il s’agit d’un work in progress dont l’ordre des pièces et le nombre ne sont pas encore fixés à ce jour, et pourvu d’un titre qui met en relief le questionnement de la musicienne sur le lien entre deux notes, deux mouvements, deux étapes, etc. On y perçoit quatre instruments remuants (piano, violon, violoncelle, clarinette), traités comme un seul corps sonore, qui se dissocient lentement durant huit minutes, s’allègent et s’aèrent (assourdissements, souffles, piano « blanc » et des silences), jusqu’à livrer une dernière partie élégiaque.
Quoiqu’auteur d’un opéra (Fremd, 2011) et de quelques partitions pour orchestre, Hans Thomalla (né à Bonn, en 1975) enrichit principalement son catalogue de musique de chambre. Trio pour cordes (violon, alto et violoncelle), Bebungen (2007) fait référence au balancement (Bebung) évoqué par les traités d’ornementation baroques, qui désigne le vibrato qu’on peut tirer d’un clavicorde. Après une première partie assez stable aux unissons entretenus, la seconde se veut plus passionnée et expressive – le violon de Jacques Ghestern est particulièrement affûté –, mais jamais agressive et même assez lyrique.
Notamment fondateur de l’Ensemble Köln (1983), Robert HP Platz (né à Baden Baden en 1951) débute en 2008 la composition de Wunderblock (2010), cycle de trois compositions indépendantes qui peuvent être jouées séparément ou comme un tout. En vedette dans le solo Next (2008), la flûte est ici peu à peu associée en duo, trio et quatuor ; elle se montre volubile, volatile mais aussi nostalgique d’une virtuosité d’avant-guerre. Pour cette pièce dont le propos est la sur-écriture (Wunderblock est l’équivalent du bloc-magique pour enfant, qui intéressa Freud), Jean-Luc Menet est efficacement entouré de Jeanne-Marie Conquer (violon), Claire Merlet (alto) et Frédéric Baldassare (violoncelle).
Benjamin du programme, Philipp Maintz (né à Aix-la-Chapelle en 1977) fut un étudiant européen infatigable (Maastricht, Linz Liège, Paris, etc.) avant de devenir un réviseur zélé. Retravailler une œuvre ancienne est pour lui s’engager « dans un processus d’inspection du verso d’une médaille, la face cachée d’un matériau musical déjà connu ». Ainsi, le trio avec piano Tourbillon (2008) a mené à Trawl (2010/2013), pièce récemment révisée qui servira de germe à une autre pour orchestre, cette année à la Beethovenfest (Bonn). Les « pianotements » tendus de Dimitri Vassilakis, suivis d’un solo de violoncelle, installent un climat inquiet avant l’arrivée du violon, de la clarinette d’Étienne Lamaison, enfin de la flûte. Au terme de ce quart d’heure, la délicatesse aura voisiné avec quelques précipitations toujours brèves.
LB